« Nous sommes juste des professionnels »

vendredi 29 octobre 2010

Laurent Racine est pilote d’hélicoptère, Daniel Enggist sauveteur professionnel. Particularité : les deux Neuchâtelois travaillent à la base Rega de Lausanne. Ils ont accepté de nous faire partager leur quotidien.
L’aube tarde à se lever. Pendulaires et routiers se frayent un passage sur l’A5. Daniel Enggist est parti de Cortaillod sans quitter ses rêves. « Déjà à sept ans, je voulais être secouriste à la Rega. Avant, j’étais ambulancier. J’ai postulé il y a deux ans, nous étions beaucoup de candidats. Mais j’ai fait mon premier vol dans la peau du blessé. COCKPIT Trajet de Nyon à Lausanne. En vol, le sauveteur professionnel (ici Daniel Enggist) assiste le pilote de l'hélicoptère dans la navigation - SARA SAHLI Photo : Patricia NAVALON Un accident de parapente. J’aurais pu y rester ». Entrée de Lausanne. Nous arrivons à la base de la Rega.

7h30, l’équipe se forme
A l’intérieur, un long couloir de béton. Daniel Enggist salue l’autre Neuchâtelois de l’équipe. Laurent Racine, de Cormondrèche, a déjà revêtu sa combinaison. Il pilotera l’hélicoptère pour les missions des prochaines 24 heures. A la cuisine, Benedikt Meier, le médecin qui complète le trio, échange quelques mots avec la consœur dont il prend le relais. « Je travaille environ trois jours par mois ici. Le reste du temps, je suis chef de clinique du service d’anesthésiologie du Chuv. »

9h20, briefing matinal
Le soleil pointe sur l’aéoport de Lausanne. Le pilote établit son briefing matinal. « J’étudie les dernières données météorologiques, les sites où ont lieu les activités militaires... »
Dans le hangar, deux rutilants appareils occupent presque toute la place. « Des Eurocopter EC 145. Le top de la technologie. » Laurent Racine a participé à plus de 4500 sauvetages. Il vole depuis 15 ans pour la Rega. Aussi un rêve de gosse. « J’ai appris mon métier dans le civil, au Canada. Difficile d’imaginer mieux que de travailler ici ! Quand on pense que tout le système fonctionne sur une base de solidarité... » Le pilote revient sur terre. « Habituellement, nous n’avons qu’un hélico. Le deuxième a été mobilisé pour le Sommet de la francophonie. Il repart ce matin pour Zurich. »
Daniel Enggist sort du bureau. « On a reçu un appel de la centrale. Un transfert de Nyon au Chuv. « Le patient doit être à Lausanne pour 14 heures. Il a eu un infarctus ce matin. Son état demande des examens qu’on ne peut faire que dans un centre universitaire. »

12h45, décollage
L’hélicoptère s’arrache du sol et prend vite de l’altitude. « Nous volons à 280 km/heures. Arrivée dans huit minutes », annonce le pilote. Daniel Enggist est assis à ses côtés. « Le sauveteur se charge de la navigation et de contacter l’hôpital pendant le vol. Selon l’état du patient, il peut faire pivoter son siège et assister le médecin. » La bise souffle, l’hélicoptère tangue.
On se rapproche des toits de la banlieue de Nyon. La machine se pose. Traversée des couloirs blancs. Une odeur de cuisine et de désinfectant. Derrière le rideau, un vieil homme sous assistance respiratoire. « Il faut brancher le monitoring du patient sur celui de l’hélicoptère. Nous sommes comme une unité de soins intensifs volante », explique le sauveteur. « Vous voyez, tout est calme. On nous imagine souvent en train de courir, de s’agiter... C’est faux. Nous ne sommes pas des héros, juste des professionnels. »
Le patient passe du lit à la civière. Quelques mots rassurants de Benedikt Meier. On s’envole à nouveau. Les grandes propriétés de la Riviera vaudoise deviennent minuscules, l’écume des vagues donne du relief à l’immense étendue d’eau. « Le lac est magnifique aujourd’hui. C’est une belle journée », souffle le médecin au micro. Malgré son état, le malade ne décroche pas son regard de la vitre. « J’essaye de faire voir le côté positif du vol aux patients. Le paysage leur fait du bien ».

13h50, transfert réussi
Héliport du Chuv. « Une vingtaine de personnes vont nous acceuillir », dit le médecin. « Un comité d’accueil ? J’espère qu’il y aura une fanfare », plaisante le vieil homme.
Retour à la base. « J’avais une inquiétude avec sa respiration, mais tout s’est bien passé », résume Benedikt Meier. On range le matériel, fait le plein de kérosène, remplace les bouteilles d’oxygène. « Une mission de routine, même si on n’aime pas ce terme », explique le pilote. « Pour le patient, ce sera celle de sa vie. » Sara SAHLI source

La Rega en chiffres

1952 fondation de la Garde aérienne suisse de sauvetage.

13 bases en Suisse, dont une partenaire à Genève.

2,2 millions de donateurs soutiennent la Rega. Elle ne reçoit pas d’aide publique.

1414 numéro à composer en cas d’urgence en Suisse. /ssa
Tortellini aux épinards, sauce au paprika. « Bonne chance », plaisante Daniel Enggist, « j’espère que ça vous plaira ». Le sauveteur professionnel a préparé le repas de midi. « La vie à la base Rega fonctionne un peu comme une colocation. Chacun apporte sa contribution aux tâches quotidiennes ».

La cuisine salle-à-manger est ouverte sur le salon. Canapé, fauteuils, télévision à écran plat... « Nous n’avons pas vraiment le temps de la regarder entre les missions. En général on s’occupe de l’administration et du nettoyage de nos combinaisons. »

A côté de la buanderie, une salle de sport. Quelques engins, un vieux vélo militaire appuyé contre le mur. « On a pas fait grand chose pour aménager la pièce depuis l’inauguration de la base il y a un an ». Les quatre chambres où dorment les membres des équipes se trouvent au deuxième étage. « Sobres, mais confortables », commente le sauveteur neuchâtelois. « C’est notre deuxième maison, nous vivons la moitié de notre temps ici. » /ssa

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