Une ligne pour sauver des vies sur l’Himalaya

dimanche 9 mai 2010

Grâce à un partenariat avec une compagnie d’hélicoptère du Népal et Air Zermatt, les sauveteurs suisses volent de plus en plus haut pour sauver les alpinistes en détresse. L’hélitreuillage pourrait se développer. Des voix critiques se font entendre.
 Un hélicoptère d'Air Zermatt avec un filin de sauvetage dans le massif du Cervin - Photo Air Zermatt)Le partenariat, qui est encore en phase d’essai, pourrait marquer une date clé dans l’histoire du sauvetage par hélicoptère dans l’Himalaya. Jusqu’en juin, une équipe d’Air Zermatt est stationnée dans la région de Khumbu avec un hélicoptère de la compagnie népalaise Fishtail Air. L’engin peut voler jusqu’à 7000 mètres d’altitude pour récupérer des alpinistes.

Les pilotes et alpinistes suisses chevronnés qui se trouvent à bord peuvent faire quelque chose que leurs collègues népalais ne maîtrisent pas encore : aller chercher des personnes en détresse par hélitreuillage, sans atterrir.

Arrivé vers l’alpiniste bloqué, le sauveteur l’attache au câble et tous les deux sont treuillés en suspension sous l’hélicoptère, jusqu’au point d’atterrissage le plus proche. Une aide médicale est alors prodiguée.

Habitués des sauvetages dans les Alpes, les Valaisans d’Air Zermatt sont pionniers dans ce type de mission, utilisé pour la première fois dans les années 70 dans la face nord de l’Eiger.

En Suisse : un tiers
Selon Gerold Biner, d’Air Zermatt, environ un tiers des quelque 1500 missions de sauvetage effectuées chaque année en Suisse sont des hélitreuillages, ou « opérations de cargos humains en suspension ».

Le partenariat avec Fishtail Air est en partie la conséquence d’une mission récente : en novembre dernier, Air Zermatt avait réussi à récupérer le corps de l’alpiniste slovène Tomaz Humar, décédé sur les pentes du Langtang Lirung.

Entraînement spécial
Cinq employés de Fishtail Air ont effectué un stage de formation chez Air Zermatt le mois dernier. Gerold Biner ne doute pas de leurs capacités à remplir les missions d’hélitreuillage.

« Ce type de sauvetage requiert néanmoins un entraînement spécial », ajoute le pilote suisse. « Voler avec un être humain suspendu à un câble en-dessous de soi rend le pilotage un peu plus difficile ».

Les pilotes népalais pourraient suivre un cours d’hélitreuillage cet été dans les Alpes suisses, si des sponsors sont trouvés. Mais la présence d’Air Zermatt au Népal pourrait déjà susciter une augmentation de la demande dans l’Himalaya.

Sauver plus de vies
« Ce type de sauvetage va certainement sauver plus de vies parce que les personnes qui ont des blessures de moindre importance, comme la maladie de l’altitude, peuvent être aidées », explique, dans un mail écrit à swissinfo.ch à 6400 mètres d’altitude, Kari Kobler, chef de l’expédition actuellement basée dans le massif de l’Everest.

Mais l’hélitreuillage ne connaîtra jamais l’utilisation intensive qu’il connaît dans les Alpes suisses, selon le spécialiste. Les distances sont en effet trop grandes entre les héliports et les zones d’escalade. De plus, de nombreux alpinistes ne sont pas assurés pour ce genre d’interventions.

Alpiniste expérimenté, médecin et auteur, Oswald Oelz se méfie des nouvelles missions héliportées. « Cela tue une partie de l’aventure », a-t-il déclaré à swissinfo.ch.

« Dans quelques années, l’Himalaya sera peut-être comme la face nord de l’Eiger aujourd’hui, poursuit-il. Si vous avez des ennuis, vous appelez l’hélicoptère… Avant, vous deviez vous battre pour rentrer, ou bien vous étiez mort. »

Oswald Oelz est un des chercheurs les plus réputés sur le mal aigu des montagnes. Il compte à son actif de nombreuses premières et ascensions réputées difficiles. En 1978, il était l’un des deux médecins de la première expédition sur l’Everest sans oxygène, menée par Reinhold Messner et Peter Habeler.

Vers un « Disneyland » des alpinistes ?
Oswald Oelz craint que l’idée qu’un hélicoptère puisse en tout temps être appelé donne « une fausse idée de la sécurité », car l’hélicopère ne peut pas voler dans toutes les conditions météorologiques. De plus, un usage croissant des hélicoptères pourrait rendre l’Everest si populaire qu’il en devienne un véritable « Disneyland », « comme au Cervin ».

Gerold Biner admet que les hélicoptères pourraient se multiplier au Népal. Selon lui, les engins peuvent déjà voler jusqu’à 9000 mètres (l’Everest culmine à 8840 mètres), même s’ils sont certifiés jusqu’à 7000 mètres…

Dale Bechtel, swissinfo.ch
(Traduction de l’anglais : Ariane Gigon) source

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