La tête dans les airs, les pieds sur terre

lundi 23 août 2010

Paisible à 75 ans, Bruno Bagnoud n’a plus rien à prouver. Le fondateur d’Air- Glaciers, conscient d’avoir eu un beau parcours, n’a aucun regret.
1935 Naissance de Bruno Bagnoud, le 23 février à Crans-sur-Sierre.

Bruno Bagnoud a décidé d'arrêter de piloter après quarante-cinq ans mais conserve toujours la direction d'Air-Glaciers - Photo Hofmann1961 Naissance de son premier fils, François-Xavier, qui mourra en 1986 au rallye Paris-Dakar. La même année, Bruno Bagnoud a fini ses études de sport à Macolin. Il sera ensuite officier instructeur de l’armée jusqu’en 1964.

1962 Naissance de son deuxième fils, Pascal, décédé à la naissance.

1963 Il obtient le brevet de guide du Valais.

1965 Il devient pilote professionnel d’avion, puis d’hélicoptère et fonde Air-Glaciers.

1968 Naissance de son troisième fils, David, qui travaille aujourd’hui avec lui chez Air-Glaciers.

1989 Fondation de l’association François-Xavier Bagnoud.

2010 Bruno Bagnoud décide d’arrêter de piloter, mais est toujours PDG d’Air- Glaciers.

Le temps semble n’avoir aucune emprise sur lui. Bruno Bagnoud a toujours de la vigueur dans la poignée de main et un zeste de malice dans ses yeux bleus. Difficile d’imaginer qu’il a fêté ses 75 ans en février dernier. « C’est l’avantage d’être chauve, sûrement ! Certains hommes, qui avaient de beaux cheveux noirs, se sont retrouvés blancs ou sans cheveux d’un coup... C’est pas notre cas, à nous, les chauves », rigole ce passionné d’aviation lorsqu’on lui fait remarquer son côté « sans âge ».

Difficile aussi de donner 75 ans à un homme qui n’a pas diminué d’un pouce son activité professionnelle. Son élixir de jeunesse, sans doute. Bruno Bagnoud rejoint chaque jour son bureau à l’aéroport de Sion, comme il le fait depuis 1965. La retraite, très peu pour lui. « Je suis là tous les jours, même les samedis et dimanches. D’ailleurs les dimanches, j’amène toujours un gâteau. Je n’éteins jamais mon natel ; je veux savoir quand la colonne de secours part et quand elle rentre. Dans le sauvetage, c’est une relation plus forte que les autres. On est une équipe soudée. »

Bruno Bagnoud ne lâchera rien ou presque. Tout juste a-t-il décidé d’arrêter de piloter après quarante-cinq ans d’activités. « Je suis conscient que j’ai eu beaucoup de chance jusque là, mais ... » Mais l’homme sait qu’il ne faut pas tenter le diable. « Et puis, cela me permet de me consacrer au côté administratif qui est très lourd aujourd’hui. »

Un roc sentimental
Léger sourire, dévoilant quelques rides au coin des yeux qui rajoutent un peu de douceur au personnage. Car, si l’homme paraît solide comme un roc au premier abord, il laisse échapper sa part sentimentale au fil de l’entretien. Quand il raconte sa vie, il se raccroche à son CV - « C’est tout écrit là », dit-il en montrant une feuille récapitulant les années marquantes de sa vie. Très vite cependant, il retrouve les émotions des grands moments de son existence, les bonheurs comme les malheurs.

Car l’homme a tout connu. Aux Etats-Unis, on dirait de lui qu’il a réalisé le rêve américain : parti de rien - « J’avais pas un radis ; mes parents non plus » -, il a réussi à monter une entreprise florissante. « Tout a démarré d’un accident qui a eu lieu pendant mon cours d’aspirant guide de montagne. Un de mes collègues s’était fracturé le col du fémur dans la région du Trient. En 1963, il n’y avait quasi rien pour le secours en montagne. Je connaissais juste Hermann Geiger, qui dépannait les personnes blessées avec son petit hélicoptère », raconte-t-il.

Ce jour de 1963, Bruno Bagnoud contacte donc Hermann Geiger, qui n’a pu se poser à l’endroit où se trouvait le blessé, en raison du foehn trop violent. « Il aurait pu se poser mais n’aurait pas pu décoller de cet endroit, car l’appareil n’était pas assez puissant. On a alors décidé de descendre seuls avec le blessé jusqu’à Champex. Et dans une combe après Trient, on a vu l’hélico qui nous attendait... »

L’aventure a donné envie à Bruno Bagnoud de dénicher un hélicoptère plus puissant, l’Alouette 3, pour le secours en montagne. « Mais l’appareil coûtait 1,5 million de francs et je ne les avais pas ! » Après de multiples démarches, il réussit à décrocher un prêt de 600 000 francs auprès de feu la Caisse d’Epargne.

Un homme de parole
En 1965, Air-Glaciers voit ainsi le jour, avec Bruno Bagnoud et Hermann Geiger aux commandes. « On s’était mis d’accord que si je trouvais l’argent pour l’Alouette 3, on s’associait. On avait scellé notre accord par un serrement de main. » Juste un serrement de main. « Cela a bien plus de poids pour moi qu’un contrat. »

L’homme aura vibré toute sa vie au bruit des avions et des hélicoptères. Pourtant, personne dans sa famille n’avait trempé dans le milieu aérien avant lui. « Mon père était très littéraire ; il aimait lire, écrire ; ma maman, elle, était infirmière de formation ; elle était très ouverte et orientée dans le secteur du développement. D’ailleurs, quand elle savait que je partais, elle voulait toujours venir avec moi. »

Quand il (se) raconte, l’homme a des souvenirs précis. Il n’a rien oublié. Surtout pas la perte de ses êtres chers, dont celle de son fils François-Xavier décédé au rallye Paris-Dakar en 1986. « Nous, les Blancs, nous ne sommes pas préparés à la mort. Pour avoir passé du temps en Afrique, j’ai vu comment les Africains étaient sereins par rapport à la mort. » S’il a vécu la mort de son fils comme un drame, il a réussi à surmonter sa douleur. « François-Xavier a vécu vingt-cinq années où il était parfaitement heureux ; il a fait ce qu’il a voulu, a eu le bon côté de la vie. Encore aujourd’hui, on me demande pourquoi je l’ai laissé partir là-bas, mais je n’avais aucune raison de l’en empêcher. C’était une preuve d’amour, de confiance. » On meurt quand vient son heure, en est-il persuadé. « Sauf si l’on monte à la tour Eiffel et qu’on saute sans parachute. Sinon, comment expliquer que je sois encore là ? Je devrais être mort dix fois avec tout ce que j’ai fait. »

Lien avec l’au-delà
L’ancien pilote n’est pas un « très grand croyant » mais il ne peut imaginer qu’on disparaisse de la circulation comme cela ». Et d’ajouter, presque sur le ton de la confidence : « Quand j’ai de grandes décisions à prendre, je discute avec François-Xavier comme s’il était là pour savoir ce qu’il ferait à ma place... »

Ne pas couper le lien avec l’au-delà. « C’est aussi pour cela que nous avons fait l’Observatoire à Saint-Luc avec l’Association François- Xavier Bagnoud. De là, on peut voir les étoiles où l’on ira peut-être. » Christine Savioz source

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